Vivre les changements avec la sclérose en plaques

Vivre les changements avec la sclérose en plaques

Come back

Il y a un an et demi, je lançais ce blog pour le mettre en pause 4 mois plus tard. A l’époque, je ne voyais plus d’utilité à partager sur ma maladie. Je n’avais rien à commenter ou à transmettre. Alors plutôt que de dire des bêtises, j’ai préféré me consacrer à mon entreprise et à ma vie sociale. Et à partir du moment où ma sclérose en plaque n’a plus été le plus important pour moi, ma vie a connu beaucoup de changements.

Une année riche de rencontres

Ca a démarré avec une rencontre professionnelle. Vous le savez peut-être, l’entrepreneuriat revêt plusieurs facettes, dont celle du réseautage. On se rassemble par centre d’intérêt pour progresser, échanger des recommandations de job, ou juste pour parler de nos quotidiens professionnels avec des personnes qui nous comprennent. C’est via un club de femmes que j’ai rencontré Emilie, cette entrepreneuse exigeante et adorable qui allait devenir mon amie puis, plus tard mon associée.

L’entrepreneuriat c’est aussi beaucoup de travail, qui laisse peu de place aux longues vacances. Depuis plusieurs années, je me programmais de courtes échappées en famille ou avec des amis. Entre deux missions, je me suis donc évadée à la montagne le temps d’un week-end. Au programme : repas en famille, balade, soirée d’été… Et c’est dans un restaurant que j’ai rencontré Flo, celui qui allait devenir mon client puis rapidement mon compagnon.

En quelque mois je me retrouvais avec deux nouvelles relations d’importance dans ma vie, pour qui la SEP allait aussi compter. D’abord dans la vie personnelle, puis dans la vie professionnelle.

Au niveau perso 🙋🏻‍♀️

Dans la vie perso, ça a été mouvementé 🌪️ ! Flo était en altitude, je faisais beaucoup de déplacements pour le voir. Je passais mes soirées et mes week-end au restau, mon agenda s’organisait autour des déplacements, des missions et des soirées. Mon corps a dû s’“adapter” (sous la contrainte, c’est évident !) à un nouveau régime composé principalement de viande, fromage, et alcool. Entre ma vie montagnarde et ma vie en vallée, je n’avais plus de temps pour mes activités sportives préférées (course à pied, yoga, étirements) ou pour la méditation. Mais l’euphorie des débuts de notre relation m’aidait à tenir le rythme et à ne pas sentir la raideur qui s’installait à cause de la conduite, du régime riche et du manque de sommeil. Sauf qu’un an après, j’ai dû reconnaître que ce n’était pas la meilleure des idées…

Au-delà de la raideur, je suis aussi devenue très sensible (voire carrément ch***) au niveau des émotions. On peut même parler de crises incontrôlables de colère, de larmes puis de rire. Impressionnant à voir ! Après vérification avec les médecins, j’ai dû faire un choix : les anti-dépresseurs ou le yoga, la méditation et une meilleure hygiène de vie.

Petit à petit, je me suis donc forcée à réintroduire ces habitudes dans mon quotidien, tout en gérant mon emménagement définitif à la montagne. Avec cette nouvelle routine qui s’installe lentement, quelques compléments alimentaires naturels, de la CBD, beaucoup de patience et d’humour, Flo et moi nous habituons à cette autre version de moi-même, la Gaëlle/Placman.

Du côté pro 👩🏻‍💻

En plus de ces nouveautés perso, j’ai aussi dû jongler avec ma vie pro d’auto-entrepreneuse/future co-dirigeante d’une agence de communication. Lorsque mon engagement perso s’est concrétisé avec un emménagement, je signais les papiers pour bosser dans une nouvelle société partagée à deux.

La SEP est tout aussi lourde à gérer dans la vie pro que dans la vie privée. Si on est du côté du salariat, on décide souvent de la cacher et de subir notre fatigue au bureau avec de nombreux arrêts. Mais du côté des indépendants, la SEP devient vraiment handicapante (ahah 😈) notamment pour la création d’une entreprise. Les assureurs nous aiment pas, les partenaires commerciaux sont un peu sur la réserve, ça peut ternir l’image de la société, les banques sont frileuses… Heureusement, quelques administrations tentent de compenser ces freins en apportant un soutien financier à la création d’entreprise.

Notre parcours de création d’entreprise a été très long. Après avoir trouvé notre perle rare en comptabilité, nous avons commencé la constitution du dossier d’aide à la création de l’AGEFIPH. Tant que celui-ci n’était pas envoyé à l’organisme, nous ne pouvions pas immatriculer notre activité.

Nous nous sommes donc faites aider par une association spécialisée dans cet accompagnement. Trois mois plus tard, nous envoyions enfin notre dossier à l’AGEFIPH. Mais les conseillers de l’organisme ont décidé que notre dérogation n’était pas valable. Pour la petite histoire, l’aide n’est valable que pour une première création d’entreprise. Nous étions toutes 2 auto-entrepreneuses, une activité loin de pouvoir être pérenne. C’était une transition vers une réelle création. Mais ça n’a pas été accepté par tout le monde à l’AGEFIPH. Nous avons donc perdu 4 mois, pour rien… Le manque d’informations autour des aides aux personnes en situation de handicap est effrayant !

Malgré ses péripéties, emgäa communication a vu le jour le 1er août 2022. Avec ce nouveau projet de société, j’ai dû je dois ré-apprendre à gérer ma fatigue : les enjeux d’une société en duo ne sont pas les mêmes qu’en totale indépendance.

Aujourd’hui, en novembre 2022, nous nous travaillons d’arrache-pied pour nos clients et pour un projet qui nous tenait particulièrement à coeur : le salon Handi plus. C’est suite à la première édition de cet événement que notre projet a vu le jour ☺️

En conclusion, on y arrive toujours mais pas tous de la même façon (dixit Flo)

« T’es pas handicapée, arrête ! »

« T’es pas handicapée, arrête ! »

« Mais Gaëlle, t’es pas vraiment handicapée, arrête tes c**** »

Une phrase que j’entends (et pense) souvent.

Quand on me voit, effectivement, « je ne fais pas » handicapée. Je suis valide et mes bugs de cerveau ne m’empêchent pas d’avoir une vie sociale ou professionnelle épanouie 😌 Pourtant, la sclérose est bel et bien classée dans les handicaps invisibles…

D’un patient à l’autre, cet handicap prendra des formes différentes. Chaque patient vit sa propre maladie. Si on retrouve des symptômes communs, ils ne se manifesteront ni avec la même force, ni de la même manière entre ces deux jeunes femmes ou ces deux hommes d’âge mûr.

Dans cet article, je vous raconte l’un de mes symptômes, revenu il y a peu de temps.

Sclérose en plaques, ostéoporose, arthrite, du pareil au même 

Février 2021, je n’ai pas fait de poussée depuis plus d’1 an et demi. Aucune séquelle ne m’handicape. Tout va bien donc… jusqu’à ce que mes muscles se raidissent.

En quelques jours, la raideur me fait boiter.

Au réveil, mes chevilles sont en position dodo, je dois forcer pour les plier. Je marche en articulant uniquement les genoux. Ca craque tellement que mon chat se planque dès que je sors de la chambre. Mais il revient rapidement, allez savoir pourquoi !

Après la visite mensuelle à l’hôpital, mon neuro me prescrit un retour à la case kiné.

La spasticité, c’est une contraction des muscles qui peut aller jusqu’au blocage du mouvement. Les raisons ? Un bug de transmission, encore.

La voie qui transmet les messages moteurs des mouvements volontaires est détériorée par Placman. Les cases de l’étage supérieur ne lui suffisaient plus, il a décidé de partir explorer d’autres quartiers…

Pour réduire la spasticité, il faut donc étirer les muscles contractés et ça se passe chez le kiné. Pendant 2-3 séances, on me tire les jambes dans tous les sens. Puis on me donne le choix : continuer d’être dépendante d’un suivi médical ou faire les étirements seule chez moi, avec un suivi ponctuel au besoin.

J’opte pour la seconde option. Plus de salle d’attente s’il-vous-plaît ! On me remet la série d’exercices en images. Le titre ? « Etirements contre l’ostéoporose et l’arthrite » 😩

« De la racine » de cannabis dans ton cerveau

En plus de la kiné, je refais mes stocks de CBD. Quand je ne l’oublie pas, j’en consomme quotidiennement. Mais quelle est son action ?

Il y a près de 20 ans, la recherche a découvert le système endocannabinoïde. Oui, vous avez bien lu. On retrouve la racine du mot cannabis … dans le corps humain !

🧬 Ces substances produites par notre corps permettent de réguler les flux d’informations entre les neurones. Sauf que [ALERTE SPOILER] les bugs de cerveau des patients SEP altèrent aussi ce système.

Les conséquences ? La spasticité, les troubles du sommeil, de l’appétit, la perception du temps, la douleur, etc.

🧠 Deux récepteurs (CB1 et CB2) sont reliés au système nerveux central, lui-même altéré par la SEP. Le CBD va venir aider ces récepteurs à faire leur boulot correctement : c’est-à-dire traiter les messages chimiques des endocannabinoïdes (qui sont en fait des neurotransmetteurs). C’est eux qui vont faire circuler l’information et agir sur la régulation du sommeil, de l’appétit, de la douleur et de l’humeur.

En activant les bons récepteurs, il aide à faire passer plus de neurotransmetteurs : ceux qui aident à réguler la spasticité et ceux qui empêchent la surproduction des molécules responsables de la perception de la douleur.

Il possède également des propriétés neuroprotectrices : il agit sur l’inflammation neuronale et améliore les performances motrices et cognitives. C’est toujours plus facile de bouger et de réfléchir quand on a moins chaud à la tête ! 🥵 (blague !)

Le CBD est donc mon allié idéal. Et si je constate vite son absence lorsque je n’en ai plus, il n’y a absolument aucune dépendance.

Tout ça pour dire qu’à première vue, on ne pense pas que je suis handicapée. On ne voit rien car tout se passe à l’intérieur. Mes nerfs se dégradent, mes neurotransmetteurs me lâchent, les courts-circuits grillent mon énergie.

La sclérose n’est pas handicapante au sens commun, mais certains jours, elle est lourde à gérer.

Féminisme ou humanisme ?

Féminisme ou humanisme ?

Pour célébrer la journée internationale des droits des femmes, Osez le féminisme 74 a rassemblé associations et artistes féministes locales. Le but ? Découvrir les différentes manières de faire passer un message, en douceur, en humour, avec engagement et par les arts.

De l’association Nous toutes 74 à La cause des femmes, en passant par Cœurs de guerrières et Wendo Pays de Savoie, nous avons découvert plusieurs champs d’actions. Puis la parole a été aux artistes. Sculptrice, peintre, vidéaste, colleuse, comédienne, illustratrice, danseuse… Chacune avait son « mot » à dire. Et on nous avait aussi invités, Placman et moi.

Féministe ou handicapée, choisis ton oppression

🤷‍♀️  Au début, je me sentais vraiment en décalage avec toutes ces femmes ; mes illustrations n’étaient pas féministes au même titre que les peintures de la conteuse Amande Art ou que la comédie de Typhaine Dee… Je racontais juste des anecdotes de vie. Puis Morgane Maude, l’organisatrice de l’événement et aussi éducatrice sociale et éduc’artiste a introduit le second sujet artistique : les œuvres par et pour les handicapés.

🎥  D’abord, ça a été un court-métrage réalisé avec des enfants handicapés physiques et mentaux. Puis Maëva est venue nous présenter ses illustrations via lesquelles elle reconstruisait sa féminité, évacuait sa colère face à l’injustice et au rejet. Assise sur son fauteuil roulant, elle nous a raconté son envie de devenir avocate pour lutter contre l’exclusion sociale.

😈. Enfin, ça a été mon tour de me présenter : en tant que femme, indépendante et porteuse d’un handicap invisible. J’ai conclu mon intervention en disant que je ne me sentais pas artiste féministe. Seulement artiste, mais que ce n’était pas ça qui diminuait mon engagement.

La faute à l’eugénisme

Car finalement, le féminisme n’est-il pas une lutte contre toute forme d’oppression sociale, qu’elle soit de race, de genre, de condition physique ou mentale ?

Si l’on se base sur un critère salarial, on constate qu’une personne malade ou handicapée sera moins bien payée, comme pour les femmes. La faute à l’eugénisme.

🧐. Cet ensemble de méthodes incite à classer les individus selon leur patrimoine génétique et rejette tous ceux qui n’entrent pas dans le cadre. Soit les handicapés physiques et mentaux et les femmes. C’est bien connu, elles restent à la maison toute la journée et n’apportent aucune contribution immédiate à la société puisqu’elles ne travaillent pas…

L’art féministe

Des artistes qui se revendiquent (ou pas) féministes ont ainsi choisi de déconstruire ces clichés sociaux. Je pense à la célèbre Frida Kahlo (1907-1954) – peintre mexicaine – elle-même handicapée suite à un accident. Dans ses peintures, elle explore les questions d’identités de genre, de race et de classe. Ou encore à Diane Arbus (1923-1971), photographe de rue américaine, qui interroge le fonctionnement de la société en rejetant les normes.

 Si le handicap apparaît dans de nombreuses œuvres classiques et modernes, c’est donc surtout dans l’art contemporain qu’il s’épanouit. Les artistes interrogent le rapport au corps, à l’identité, aux relations humaines. Autant de sujets qui font écho au féminisme.

girl in a swimming cap diane arbus

Girl in swimming cap – Diane Arbus

Frida Kahlo handicap

Frida Kahlo en train de peindre

Pour conclure

Handicap et féminisme, même combat ! Un combat de justice sociale bénéfique pour toute la société, car on le sait : la diversité fat la richesse… Merci Osez le féminisme 74 pour cette journée enrichissante, instructive et joyeuse. Lorsque j’ai dessiné Placman, je l’ai pensé violet mais sans avoir le féminisme en tête. Je me rends compte aujourd’hui qu’il porte bien ses couleurs !